Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/215

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Vous êtes venu pour votre traite, si je ne me trompe pas ? questionna le feldkurat.

— Oui, et j’espère…

Le feldkurat soupira :

— On se trouve souvent dans des situations où tout ce qu’on peut faire, c’est espérer. Qu’il est beau ce mot d’espoir qui en invoque immédiatement deux autres : la foi, l’espérance, la charité !

— J’espère, monsieur l’aumônier, que cette somme que vous me devez…

— Évidemment, honoré monsieur, interrompit le feldkurat, je ne puis que vous répéter que ce petit mot « espérer » est éminemment propre à nous soutenir dans notre lutte pour l’existence. Ainsi, vous, vous ne perdez jamais l’espoir d’être payé. Comme c’est beau, d’avoir un idéal inébranlable, d’être un homme de bonne foi, qui prête de l’argent sur une traite et espère qu’elle sera payée à temps ! Espérer, et toujours espérer que je vais vous rembourser douze cents couronnes quand j’en ai à peine cent en poche…

— Alors vous…

— Parfaitement…

— C’est une escroquerie de votre part, monsieur.

— Ne vous agitez pas, cher monsieur.

— C’est une escroquerie, je vous le répète, un abus de confiance.

— Je crois qu’un peu d’air frais vous ferait du bien, proposa le feldkurat. Vraiment, on étouffe ici.

Et, élevant la voix pour être entendu de la cuisine, il dit :