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Cette permission obtenue, Chvéïk revint une demi-heure après, muni d’une sonnette.

— C’est la sonnette du portier de l’auberge Kriz, dit-il ; elle m’a coûté cinq minutes de frousse, mais il m’a fallu attendre assez longtemps, parce qu’il passait tout le temps du monde.

— Je m’en vais au café, Chvéïk ; si quelqu’un vient me demander, dites-lui d’attendre.

Une heure ne s’était pas écoulée que Chvéïk ouvrit la porte à un monsieur entre deux âges, à cheveux grisonnants, droit comme un I, et au regard très sévère.

Tout son extérieur révélait l’opiniâtreté et la méchanceté. Il roulait des yeux féroces comme s’il avait la mission d’anéantir à jamais le globe terrestre pour qu’il n’en restât qu’une pincée de cendres dans l’Univers.

Son langage était cassant et sec, chaque phrase une injonction :

— Pas chez lui ? Est allé au café ? Je dois l’attendre ? Bien, j’ai le temps jusqu’à demain matin. Alors, pour la taverne il a de l’argent, mais pas un sou pour payer ses dettes. Ça, un prêtre ? Fi donc !

Il cracha sur le sol de la cuisine.

— Dites-donc, ne crachez pas comme ça, s’il vous plaît ! dit Chvéïk en toisant l’insolent personnage avec un intérêt particulier.

— Et je cracherai tant qu’il me plaira, tenez, comme ça, répliqua le monsieur en joignant le geste à la parole ; c’est répugnant à la fin ! Un aumônier militaire ! Mais c’est tout simplement honteux !

— Puisque vous prétendez avoir de l’instruction, lui fit observer Chvéïk, tâchez de vous débarrasser