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l’avaient attendu à la sortie pour l’entretenir, pendant deux heures, de l’éducation religieuse des soldats. Elles n’auraient jamais eu fini si le feldkurat n’avait rompu en disant : « Excusez-moi, mesdames, mais le capitaine m’attend pour une partie de cartes ».

— Il y a du bon, monsieur l’aumônier, prononça solennellement Chvéïk, revenu de sa course ; notre huile bénite, je l’ai trouvée. C’est de l’huile de chènevis, numéro trois, première qualité ; avec ça, nous avons pour oindre tout un bataillon. La maison Polak tient les meilleures marchandises de tout Prague. Elle vend aussi des couleurs, des vernis et des pinceaux. Il ne nous manque plus qu’une sonnette.

— Pour quoi faire, mon petit Chvéïk ?

— Comment ! Mais il faut sonner le long de la route pour que les gens ôtent leur chapeau en voyant passer le sacrement. C’est-à-dire l’huile numéro trois. Ça se fait toujours, et je connais pas mal de gens qui ont été condamnés parce qu’ils n’avaient pas salué le sacrement au passage. À Zizkov un curé a une fois roué de coups un aveugle qui, dans un cas comme ça, n’avait pas ôté son chapeau, et ce malheureux a attrapé plusieurs mois de prison par-dessus le marché, parce qu’on lui avait prouvé qu’il n’était pas sourd-muet, mais seulement aveugle, qu’à défaut de voir il aurait pu entendre et que sa conduite avait causé beaucoup de scandale autour de lui. C’est comme à la Fête-Dieu. Des gens qui autrement ne feraient même pas attention à nous, sont obligés ce coup-ci de se découvrir. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je vais aller immédiatement à la recherche d’une sonnette.