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autant que possible – au moment où il possède encore toute sa mémoire. »

Une ordonnance apporta une lettre qui prévenait le feldkurat que l’« Association des dames nobles pour l’éducation religieuse du soldat » assisterait à la cérémonie du lendemain.

Cette « Association » était composée de vieilles personnes hystériques qui parcouraient les hôpitaux en distribuant aux soldats des images de sainteté, des historiettes édifiantes dont le héros était toujours un soldat catholique, heureux de mourir pour l’Empereur. Ces brochures étaient illustrées : on y voyait un champ de bataille couvert de cadavres d’hommes et de chevaux, de convois et de fourgons mis en pièces, de canons renversés. L’horizon était occupé par des villages en flammes et des shrapnels qui éclataient dans tous les sens, tandis qu’au tout premier plan un soldat auquel un obus venait de couper la jambe recevait des mains d’un ange une couronne sur le large ruban de laquelle figurait une inscription alléchante : « Ce soir tu seras avec moi au paradis ». Le moribond souriait comme si on lui avait offert un rafraîchissement délectable.

Ayant parcouru le contenu de la lettre, le feldkurat s’écria tout en crachant :

— Elle promet, la journée de demain !

Il connaissait bien cette « bande de tartufes femelles » comme il l’appelait, pour l’avoir souvent vue dans le temps à ses sermons de Saint-Ignace. C’était encore le temps où il prêchait avec toute la candeur naïve du jeune ecclésiastique : ces dames avaient leur banc derrière celui du colonel. Une fois, deux grandes escogriffes en noir, et portant d’énormes chapelets à leur maigre cou,