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à lui-même qu’après l’absorption d’un verre de cognac ; mais celui-ci eut aussi l’effet moins heureux de lui monter à la tête.

Les yeux appesantis, le théologien demanda à Katz :

— Vous ne croyez pas à l’Immaculée-Conception ? Vous ne croyez pas à l’authenticité du pouce de saint Jean Népomucène qui se trouve chez les Piaristes de Prague ? Et, en somme, croyez-vous même en Dieu ? Et, si vous ne croyez pas, pourquoi vous êtes-vous fait aumônier ?

— Cher collègue, lui répondit Katz en lui frappant familièrement sur le dos, aussi longtemps que l’État jugera que les soldats qui s’en vont mourir sur les champs de bataille ont besoin pour ça de la bénédiction divine, le métier d’aumônier sera assez bien rétribué, et il ne fatigue pas trop son homme. Pour ma part, je le préférerai toujours à l’obligation de courir les champs d’exercice et d’assister aux manœuvres, par exemple. Dans ce temps-là, je dépendais toujours d’un ordre de mes supérieurs, tandis que maintenant je suis mon propre maître à moi, je fais ce que bon me semble. Je représente quelqu’un qui n’existe pas et je suis mon dieu à moi tout seul. Quand il me plaît de ne pas pardonner ses péchés à quelqu’un, je ne les lui pardonne pas, même s’il me supplie à genoux. Du reste, les types qui seraient assez bêtes pour le faire sont bougrement rares.

— Moi, j’aime beaucoup le bon Dieu, dit l’autre en hoquetant, je l’aime énormément. Donnez-moi un peu de vin. J’estime beaucoup le bon Dieu, continua-t-il, je l’honore beaucoup et j’en fais grand cas. Il n’y a même personne que j’honore autant que lui.