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la viande les jours de jeûne, et l’enfer ne m’empêche pas du tout de dormir. Pardon, buvez, je vous en prie, ne faites pas de façons. Voilà. Comme ça ? Ça va beaucoup mieux, n’est-ce pas ? À propos de l’enfer : votre opinion est-elle d’accord avec l’esprit des temps nouveaux, avec les réformistes ? Pour moi, l’enfer est un endroit où, à la place des chaudières démodées, remplies de soufre, on trouve d’énormes marmites de Papin, des chaudières spéciales à grand nombre d’atmosphères ; les pécheurs y rôtissent dans la margarine, y grillent à petit feu électrique, on les lamine pendant des milliers d’années, des dentistes se chargent de leur faire grincer des dents : les gémissements sont enregistrés au gramophone et on envoie les disques au ciel pour réjouir les âmes des bienheureux. Au paradis, il y a de grands vaporisateurs d’eau de Cologne, mais on y joue tellement de Brahms que c’est à vous dégoûter de la musique et qu’on finirait pas préférer l’enfer et le purgatoire. Les chérubins ont leur petit postérieur muni d’une hélice d’aéroplane, pour ne pas trop fatiguer leurs ailes. Buvez, cher collègue, et vous, Chvéïk, versez du cognac à M. l’aumônier ; vous ne voyez donc pas qu’il n’est pas bien ?

Lorsque le dévot personnage se fut un peu remis, il murmura :

— La religion, c’est une question de raisonnement pur et simple. Celui qui ne croit pas à la Sainte-Trinité…

— Chvéïk, dit Katz en lui coupant la parole, versez encore un cognac à M. l’aumônier pour le retaper. Et dites-lui quelque chose, vous, Chvéïk.

— Je vous déclare avec obéissance, monsieur l’aumônier, commença Chvéïk, que, pas bien loin