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Je suis un homme tolérant, je respecte toutes les opinions.

L’homme trempa ses lèvres dans le verre, ce qui lui fit sortir les yeux de la tête.

— Épatant, ce vin, n’est-ce pas, cher collègue ? Vous ne trouvez pas, bon sang ?

Le fanatique répondit rudement :

— Je m’aperçois que vous jurez.

— C’est l’habitude, riposta Katz, je me surprends souvent même à blasphémer. Chvéïk, versez du vin à M. l’aumônier. Je puis vous assurer également que je dis à chaque instant : « Himmelhergott Krucifix et cré bon Dieu ». Quand vous serez aussi vieux que moi dans le service, vous ferez tout pareil. Ce n’est ni difficile ni compliqué, et toutes ces expressions nous sont déjà familières, à nous autres, aumôniers militaires ; n’avons-nous pas sans cesse à la bouche les mots : ciel, Dieu, croix et saint sacrement ? Par qui seraient-ils prononcés, sinon par des gens du métier comme nous ? Buvez donc, cher collègue.

Machinalement, l’ancien professeur de religion leva et vida son verre. Il aurait bien voulu dire un mot, mais pas moyen. Il se contenta de rassembler ses idées.

— Mon cher collègue, reprit Katz, je vous en prie, ne prenez pas cet air sinistre de l’homme qui doit être pendu dans cinq minutes. Voyons. J’ai entendu raconter qu’un vendredi, au restaurant, vous aviez mangé une côtelette de porc, croyant qu’on était jeudi, et que quelques minutes plus tard, à la toilette, persuadé que le bon Dieu allait vous exterminer, vous vous êtes introduit les dix doigts dans la bouche pour pouvoir rendre le morceau. Moi, je ne vois aucun mal à manger de