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un enfant giflé par lui, parce qu’il doutait de la Sainte-Trinité. Le professeur lui avait donné trois gifles : une pour le Père, la deuxième pour le Fils et la troisième pour le Saint-Esprit.

Ce fougueux apôtre était venu ce jour-là rendre visite à son collègue Katz afin de toucher son âme indocile et de le remettre dans le droit chemin. Il commença ainsi : « Je suis très étonné de ne pas voir chez vous un crucifix. Je me demande où vous pouvez bien lire votre bréviaire. Et pas une seule image de saints aux murs de votre chambre. Qu’est-ce qui pend là au-dessus de votre lit ? »

Katz sourit et dit :

— C’est Suzanne au bain, et, cette femme nue que vous voyez au-dessous, c’est mon ancienne connaissance. À droite, vous apercevez une estampe japonaise représentant les amours d’une geisha et d’un vieux samouraï. Très original, n’est-ce pas ? Le bréviaire, je l’ai dans la cuisine, Chvéïk, apportez-le et ouvrez-le à la page trois.

Chvéïk alla à la cuisine et on entendit trois fois de suite le bruit d’une bouteille débouchée.

Le dévot personnage fut littéralement pétrifié, lorsqu’il s’aperçut que Chvéïk mettait sur la table trois bouteilles de vin.

— C’est du vin de messe très léger, cher collègue, dit Katz, du ryzlink de qualité supérieure. Il a le goût d’un petit Moselle.

— Je n’en boirai pas, répondit le dévot, je suis venu pour vous parler du salut de votre âme.

— Vous aurez la gorge desséchée, cher collègue, dit Katz d’un ton insinuant ; faites-nous l’honneur de trinquer avec nous et je vous écouterai bien sagement.