Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/197

Cette page n’a pas encore été corrigée

soir, j’ai vu à la Couronne d’or un type de la campagne, qui avait l’air d’avoir cinquante-six ans. Ce malheureux était allé demander à l’Administration du district, à Nova Paka, pourquoi on avait réquisitionné sa voiture. L’administration l’a foutu à la porte, et il s’en allait chez lui quand il a vu sur la place un convoi militaire. Il s’est arrêté pour regarder un peu les chevaux, et voilà qu’un jeune homme lui a demandé de garder une minute sa voiture, le temps d’aller faire une course. Il n’est jamais revenu, et le vieux a dû rester à côté de la voiture. Il ne lui a servi de rien d’expliquer que ce n’était pas lui le cocher réquisitionné : on l’a obligé à conduire la voiture jusqu’en Hongrie, et il serait arrivé probablement en Serbie, si l’idée ne lui était pas venue de faire comme l’autre et de lâcher la voiture à son tour. Il m’a dit hier qu’il ne lui arriverait plus jamais d’avoir le moindre rapport avec des effets de propriété militaire.

Le soir ils eurent la visite de l’autre feldkurat qui était venu dans la matinée au champ de manœuvres pour dire la messe aux sapeurs. C’était un fanatique qui ne pensait qu’à rapprocher de Dieu toutes les âmes qui lui tombaient sous la main. Du temps qu’il était professeur de religion, il inspirait des sentiments de piété à ses élèves en les giflant : on avait l’occasion de lire dans les journaux des entrefilets sous le titre « Une brute » ou « Un professeur de religion qui prêche à coups de gifles ». Il était convaincu que le seul moyen d’enseigner la religion aux élèves était d’user du bâton.

Il boitait d’une jambe, à la suite d’une discussion animée qu’il avait eue un jour avec le père d’