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comme s’il tenait une raquette de tennis.

De loin, tout se fondait en une tache évoquant l’entrée d’un train dans une gare.

Quant au troisième panneau, il était absolument impossible d’en comprendre le sujet.

Les opinions, à son propos, des soldats exposés à contempler ce chef-d’œuvre tout le long d’une messe, étaient partagés et s’égaraient dans les suppositions les plus fantaisistes. Un soldat reconnut un jour dans cette peinture un paysage de la Sazava.

Une inscription au bas du panneau limitait seule les conjectures. On y lisait : « Heilige Marie, Mutter Gottes, erbarme Dich unser. »[1]

Chvéïk héla un fiacre, y installa l’autel et le feldkurat, et monta lui-même à côté du cocher.

Le cocher était une âme subversive. Il se permettait des remarques très désobligeantes sur « la victoire des armes autrichiennes », disant par exemple : « Ce qu’on vous a balancé de Serbie, là-bas, non, quelle vitesse ! »

À l’octroi, Chvéïk répondit à l’employé qui lui demandait ce qu’il y avait dans la voiture :

— La Sainte Trinité et la Vierge avec mon feldkurat.

Pendant ce temps-là les compagnies prêtes à partir pour le front attendaient avec impatience l’arrivée du feldkurat. Mais celui-ci était loin d’avoir rassemblé tout ce qui lui manquait encore pour la cérémonie. Aussi la voiture les conduisait-elle sans désemparer chez le lieutenant Witinger, qui devait prêter sa coupe de sport ; il fallait aussi s’arrêter au couvent de Brevnov pour y prendre la monstrance et le ciboire, ainsi qu’une bouteille de messe.

  1. Sainte Marie, Mère de Dieu ayez pitié de nous.