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dépassait de loin ceux dont les vieux matelots ont le secret. Celui-ci était digne de rincer le gosier des pirates du XVIIIe siècle.

Le feldkurat en fut enchanté.

— Où avez-vous appris à faire des choses aussi épatantes ? demanda-t-il.

— En voyageant, répondit Chvéïk ; c’est à Brème qu’un vieux cochon de matelot m’a appris. Il m’a dit cent fois qu’un grog devait être assez fort pour que celui qui l’avait bu, s’il lui arrivait de tomber à la mer, fût capable de nager sans bouger un doigt à travers toute la Manche ; tandis qu’avec un grog pas assez fort dans le ventre, les buveurs étaient sûrs de se noyer comme un chiot.

— Avec un grog comme ça dans le corps, Chvéïk, notre messe ira toute seule, approuva le feldkurat ; je crois que je serai même assez en forme pour faire un discours d’adieux aux soldats. Une messe au camp n’est pas quelque chose d’aussi drôle que dans la chapelle de la prison de la place, ou qu’un sermon pour les canailles qui l’écoutent. À une messe pareille, on ne triche pas, il faut avoir les idées nettes. Notre autel de campagne, nous l’avons, c’est toujours ça. Il est pliant, un très chic exemplaire de poche. Jésus-Maria, Chvéïk ! gémit-il en se bourrant le front de coups de poings, mais nous sommes totalement idiots. Savez-vous où il est resté, notre autel pliant ? Dans le dessous du canapé qu’on a bazardé, bonté divine !

— Ça, il n’y a pas, c’est un malheur, dit Chvéïk ; je connais bien le marchand, mais j’y pense, j’ai rencontré sa femme avant-hier. Elle m’a dit que son mari était en prison à cause d’une armoire volée