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dans un coin une boîte avec un ratier, un tout petit chiot. Mais il y a déjà plusieurs semaines qu’il ne doit plus avoir eu à manger, il a mangé juste le jour où les… sont venus me chercher. Par conséquent, je crois qu’il doit être aujourd’hui… la même chose ».

La carte était sabrée par les lettres rouges de l’estampille : Zensuriert ! K. u. k. Konzentrationslager, Steinhof[1].

— Vous savez, le petit chien était vraiment crevé, sanglota la cousine de Mme Muller, et votre chambre, je crois que vous ne la reconnaîtriez plus. Je l’ai louée à des petites couturières, et elles en ont fait un vrai salon, sur les murs il n’y a que des modes et la fenêtre est pleine de fleurs.

La cousine de Mme Muller écoutait à peine les consolations que Chvéïk lui prodiguait.

Tout en se lamentant, elle émit la supposition que Chvéïk était certainement déserteur, et en venant la voir il voulait son malheur. Elle finit par le déclarer une fripouille sans scrupules et le traita en conséquence.

— C’est rigolo, tout ce que vous me dégoisez maintenant, railla Chvéïk, ça me plaît. Eh ! bien, sachez-le, M’ame Kejr, vous avez raison, j’ai foutu le camp et me voilà déserteur… Mais, vous savez, ça n’a pas été si facile que ça, il a fallu que je descende à peu près quinze gendarmes et sergents… Surtout, motus, hein !…

Et Chvéïk s’éloigna de son foyer qui ne voulait plus de lui, en disant :

— J’ai donné à la blanchisserie quelques cols et plastrons, vous serez bien aimable, M’ame Kejr,

  1. Censuré ! camp de concentration impérial et royal, Steinhof.