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va venir cet après-midi. Un canapé de cuir, ça vaut son prix aujourd’hui.

— C’est tout ce que vous avez fait ? demanda le feldkurat qui se tenait la tête dans les mains et courait dans la chambre comme s’il allait devenir fou.

— Je vous déclare avec obéissance qu’au lieu de deux bouteilles de brou de noix, du même qu’achète le capitaine Chnable, j’en ai apporté cinq, pour avoir une réserve, ainsi on aura une goutte à boire à la maison. Est-ce que les hommes peuvent entrer maintenant pour le piano, avant que le clou ne ferme ?

Le feldkurat fit un geste désespéré, et un instant après les déménageurs procédaient à leur besogne.

Revenu du Mont-de-Piété, Chvéïk trouva son maître assis devant la bouteille de brou de noix et vociférant : on lui avait servi à midi une côtelette pas cuite.

Le feldkurat était de nouveau à son affaire. Il déclara à Chvéïk qu’à partir du lendemain il allait commencer une vie nouvelle ; que boire de l’alcool était une preuve du matérialisme le plus vulgaire et qu’il fallait revenir à la vie spirituelle.

Ses méditations philosophiques durèrent une demi-heure. Il venait de déboucher la troisième bouteille de brou de noix, lorsque le marchand de meubles se présenta. Le feldkurat lui céda le canapé un prix dérisoire et l’invita à rester un moment pour faire un bout de causette avec lui. Il fut très mécontent que le marchand s’excusât de décliner son invitation, car il allait encore passer chez un autre client pour une table de nuit.

— Je regrette de n’en n’avoir pas, fit le feldkurat d’