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d’inventer quelque chose et il n’y a que cette idée-là qui m’est venue. Dans notre maison logeait dans le temps un cordonnier qui avait sur le dos cinq petites femmes avec cinq pensions. Il était misérable comme tout, aussi tapait-il tout le monde et le pognon lui pleuvait de tous les côtés, comme chacun s’apitoyait sur sa triste situation. Ces messieurs m’ont demandé ce que c’était que cette personne, et je leur ai dit qu’elle était très jolie et qu’elle n’avait pas quinze ans. Alors, ils m’ont demandé son adresse.

— Vous en avez fait de belles, Chvéïk ! soupira le feldkurat qui se mit à arpenter la chambre. Nous voilà jolis, se lamenta-t-il, c’est un scandale de plus ! Si, au moins, je n’avais pas si mal à la tête…

— Je leur ai donné l’adresse d’une vieille femme sourde comme un pot qui habite dans la rue de mon ancienne logeuse, expliquait Chvéïk. Je voulais mener l’affaire à bonne fin, parce que vous m’en aviez donné l’ordre formel. Un ordre est un ordre. Je ne voulais pas me laisser éconduire et je devais bien inventer quelque chose, monsieur l’aumônier. Je dois aussi vous dire que les déménageurs attendent dans l’antichambre. Je les ai fait venir pour porter le piano au Mont-de-Piété. Ce n’est pas une mauvaise idée de nous en débarrasser. On aura plus de place pour se remuer et plus d’argent en poche. Ainsi on sera tranquille pour quelques jours. Si le proprio demande pourquoi nous faisons enlever le piano, je lui dirai que c’est pour une réparation. Je l’ai déjà dit à la concierge pour que ça ne lui fasse pas trop d’effet de voir arriver les déménageurs. J’ai trouvé aussi un acheteur pour le canapé. C’est un de mes amis, un marchand de meubles, qui