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Mais non, je ne bois jamais que d’immondes crasses. Hier, j’ai encore pris un de ces genièvres. Je me demande comment j’ai pu avaler ça. Il avait un goût à vous retourner l’estomac. Si, au moins, ç’avait été de la griotte ! Mais il n’y a rien à faire. L’humanité invente des saletés abominables et s’en rince le gosier comme avec de l’eau de source. Prenez, par exemple, le genièvre : ça n’a ni goût ni couleur, et ça brûle seulement la gorge. Si encore c’était du vrai, comme j’en ai bu une fois en Moravie ! Mais celui d’hier était certainement distillé avec de l’esprit de bois et de l’huile de pétrole. Vous m’entendez roter. L’eau-de-vie, c’est du poison, continua-t-il dans sa méditation, et encore faut-il qu’elle soit d’origine garantie, de la vraie, quoi, et pas fabriquée à froid par les Juifs. C’est la même blague pour le rhum. Il est rare d’en trouver du bon. Si on avait une goutte de vrai brou de noix, soupira-t-il ensuite, de celui que boit le capitaine Chnable à Brouska !

Il fouilla ses poches et examina son porte-monnaie.

— J’ai 36 kreutzer, dit-il, c’est toute ma fortune. Si je vendais mon canapé ? qu’est-ce que vous en pensez ? Je dirai à mon propriétaire que je l’ai prêté à un ami, ou qu’on vous l’a volé. Vous pourriez aussi aller voir de ma part le capitaine Chnable et lui demander cent couronnes. Il a de l’argent, je l’ai vu qui gagnait hier aux cartes. S’il n’y a rien à faire, vous irez à la caserne de Verchovice, et vous demanderez les cent couronnes au lieutenant Mahler. Si là encore c’est la peau, vous irez trouver le capitaine Ficher au Hradcany. Vous lui direz que j’ai besoin de cette