Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/168

Cette page n’a pas encore été corrigée

vous le dis, c’était une petite cuite à la hauteur. Si maintenant vous vous laviez un peu et mettiez du linge propre, je crois que ça ne vous ferait pas de mal.

— J’ai l’impression d’avoir les jambes et les bras cassés, geignit le feldkurat. J’ai soif aussi. Est-ce que je me suis battu, hier ?

— Pour la batterie, ça n’a pas été si grave que ça ; vraiment, on ne peut pas le dire. Maintenant, si vous avez soif, rien d’étonnant à ça : c’est toujours celle d’hier qui continue. Quand on a soif, ça ne passe pas si vite que ça. J’ai connu un ébéniste qui s’était soûlé à la Saint-Sylvestre 1910 et qui au Jour de l’An avait encore tellement soif qu’il a été obligé de s’acheter un hareng saur et de recommencer à boire ; le pauvre type n’en pouvait plus. Il y a quatre ans de ça, ce satané réveillon le fait boire sans arrêt, il faut qu’il boive de plus en plus, et tous les samedis il se fait une provision de harengs pour toute la semaine. C’est comme aux chevaux de bois, comme aurait dit mon vieux sergent-major du quatre-vingt-onzième de ligne.

Le feldkurat avait mal aux cheveux et se trouvait fortement démoralisé. À entendre ses expressions de repentir, on aurait cru qu’il fréquentait assidûment les conférences du docteur Alexandre Batek sur des sujets comme : « Guerre à outrance au démon de l’alcool qui tue nos meilleurs fils » et qu’il avait pour livre de chevet « Les cent et un bons conseils », opuscule du même docteur.

Il apporta cependant aux paroles de M. le docteur Batek quelques variantes de son cru.

— Si, au moins, je buvais des liqueurs de grand luxe, comme l’arrac, le marasquin ou le cognac !