Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/167

Cette page n’a pas encore été corrigée

sortit en maudissant sa destinée et le feldkurat qui lui avait fait perdre son temps.

Le feldkurat s’engourdit peu à peu, mais il ne pouvait s’endormir à cause des projets qui bourdonnaient dans sa tête. Il avait envie de jouer du piano, d’aller à une leçon de danse, de se cuisiner lui-même une carpe au beurre, etc.

Il promettait aussi à Chvéïk de le marier à sa sœur – qui d’ailleurs n’existait pas. Il émit aussi le vœu d’être transporté dans son lit et, à la fin, il s’assoupit, après avoir exigé « qu’on honorât en lui l’être humain qu’il était » et s’être proclamé d’ailleurs « un parfait cochon ».

Lorsque le lendemain matin, Chvéïk pénétra dans la chambre du feldkurat, il le trouva couché sur le canapé et plongé dans de profondes réflexions. Le feldkurat se demandait qui avait bien pu l’inonder de ce liquide, de provenance inconnue, qui tenait la plus grande partie de son pantalon collé au canapé.

— Je vous déclare avec obéissance, monsieur l’aumônier, que cette nuit…

C’est par ces paroles réticentes que Chvéïk expliqua à son maître qu’il faisait erreur en s’imaginant victime d’une manœuvre malveillante. Mais le feldkurat qui avait la tête lourde, était fort déprimé.

— Je ne peux pas me rappeler comment je suis arrivé de mon lit sur le canapé.

— Votre lit, il ne vous a même pas vu ; à peine rentrés, nous vous avons mis sur le canapé.

— J’ai dû en faire de belles, probable, hein ? Est-ce que je n’aurais pas été soûl, par hasard ?

— Vous aviez pris ce qu’on appelle une cuite pas ordinaire, monsieur l’aumônier. C’est comme je