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— Veuillez me donner, madame, une première classe.

Et il fit le geste d’ôter son pantalon.

— Veux-tu te boutonner tout de suite, saloperie ! s’écria Chvéïk ; tous les cochers te connaissent pour avoir vomi dans leurs voitures. Il ne manquerait plus autre chose. Et ne va pas croire que tu te balades encore ce coup-ci à l’œil. C’est pas comme la dernière fois, tu m’entends !

Le feldkurat saisit mélancoliquement sa tête dans ses mains et se mit à chanter : « Moi, personne ne m’aime plus… » Il s’interrompit pour faire remarquer : Enstchuldigen sie, lieber Kamerad, sie sind ein Trottel, ich kann singen was ich will ![1]

Voulant probablement siffler un air, il fit sortir de sa gorge un roulement si sonore que le cheval, le prenant pour le signal d’arrêt, stoppa au milieu de sa course.

Chvéïk sans s’émouvoir ordonna au cocher de continuer. Le feldkurat se mit en devoir d’allumer son porte-cigarettes.

— Il ne prend pas ! cria-t-il éperdûment après avoir usé toutes ses allumettes. Vous me soufflez dessus.

Mais il perdit immédiatement le fil de ses pensées et s’esclaffa :

— C’est rigolo, nous sommes tout seuls dans le tram, n’est-ce pas, monsieur et cher collègue ? Et il fouillait ses poches avec agitation.

— J’ai perdu mon billet ! criait-il ; arrêtez, il faut que je le retrouve.

Mais il fit un geste résigné :

— Continuez plutôt…

Puis il divagua :

  1. Excusez, cher camarade, vous êtes un crétin, je peux chanter ce que je veux.