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Le feldkurat, qui pendant cette scène sifflotait un air d’opérette d’une façon méconnaissable, se retourna à ces dernières paroles de son ordonnance vers les curieux et leur dit :

— S’il y a des morts parmi vous, il faut qu’ils viennent faire leur déclaration de décès au corps-komando dans le délai de trois jours, pour l’aspersion de la dépouille.

Et il tomba dans le mutisme, faisant tout ce qu’il pouvait pour s’étaler sur le trottoir et plonger son nez dans la boue. Chvéïk le traînait toujours. La tête en avant et en arrière, ses jambes inertes comme celles d’un chat auquel on aurait cassé les reins, le feldkurat bégayait : Dominus vobiscum… et cum spiritu tuo. Dominus vobiscum.

À la station de fiacres Chvéïk assit son maître contre le mur d’une maison et s’en fut négocier avec les cochers.

Un des cochers déclara qu’il connaissait très bien le monsieur, qu’il l’avait déjà chargé plus d’une fois et qu’il n’en voulait plus.

— Il m’a vomi plein toute la voiture, une infection, dit-il très franchement. Même qu’il me doit encore de l’argent. Je l’ai balladé une fois pendant deux heures sans qu’il se rappelle son adresse. Trois fois, je suis allé réclamer mon pognon chez lui et, à la fin des fins, une semaine après, il m’a juste donné cinq couronnes.

Après d’interminables négociations, un cocher consentit à les prendre.

Chvéïk retourna vers le feldkurat qui s’était rendormi. Son chapeau melon – car il ne sortait pas souvent en uniforme – s’était éclipsé.

Chvéïk le réveilla et, le cocher aidant, réussit à le hisser dans la voiture. Le feldkurat tomba aussitôt