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qu’il ne prît la fuite ; mais les rôles changeaient : c’était Chvéïk, maintenant qui leur servait de guide et allait même devoir les surveiller.

Au premier moment, les deux gardiens ne se rendirent pas compte de ce renversement de situation. Ils ne le comprirent qu’en se voyant dans la cuisine, désarmés et gardés à vue par Chvéïk baïonnette au canon.

— Ce que j’ai soif ! soupirait le naïf pot à tabac, tandis que la perche, revenue à son scepticisme, se plaignait de cette trahison noire.

Tous deux accusaient Chvéïk de les avoir mis dans cette mauvaise passe ; ils lui reprochaient de leur avoir dit qu’il allait être pendu le lendemain et prétendaient qu’il avait voulu seulement se payer leur tête.

Chvéïk ne proféra pas un seul mot et ne quitta pas son poste près de la porte.

— Ce qu’on était andouilles pour te croire ! criait la perche.

À la fin, quand ils eurent exposé tous leurs griefs, Chvéïk déclara :

— Au moins, vous savez maintenant que le service militaire n’est pas une rigolade. Je ne fais que mon devoir. J’y ai écopé moi aussi ; seulement, comme on dit, Dame Fortune a bien voulu me sourire.

— Ce que j’ai soif, bon Dieu ! répéta le pot à tabac.

La perche se leva et se dirigea en tibulant vers la porte.

— Laisse-nous partir, camarade, voyons ! dit-il ; fais pas la bête, quoi.

— Ne me touche pas, répondit Chvéïk, je suis là