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Le soir venu, Chvéïk proposa de continuer la route, étant donné que le feldkurat les attendait. Le pot à tabac, qui commençait déjà à divaguer, essaya de retenir Chvéïk encore quelque temps. La perche se rangeait de son avis et ajouta que rien ne pressait, puisque le feldkurat les attendrait tout de même. Mais Chvéïk trouvait le temps long et les menaça de s’en aller tout seul.

Les gardiens s’inclinèrent donc en stipulant qu’on s’arrêterait encore ailleurs.

Cette nouvelle « station » se présenta sous la forme d’un petit café de la rue de Florence, où, à court d’argent, le pot à tabac vendit sa montre pour pouvoir se régaler tous les trois.

De là, Chvéïk se vit dans la nécessité de guider ses surveillants, en les tenant chacun par un bras, ce qui lui donna d’ailleurs bien du tintouin. Les deux lascars étaient incapables de se tenir debout et proposaient à chaque instant d’« aller boire encore un coup quelque part ». Peu s’en fallut que le pot à tabac ne perdît le paquet de documents qu’il devait remettre au feldkurat. Chvéïk fut obligé de le porter lui-même.

Il dut aussi les alerter à la rencontre de chaque officier à saluer. Enfin, après un effort surhumain, il réussit à les traîner jusqu’à la maison qu’habitait le feldkurat dans la rue Royale.

Il leur remit les baïonnettes au canon et, en leur bourrant les côtes, les empêcha d’oublier que c’était à eux de conduire le prisonnier, et non le contraire.

Au premier étage ils s’arrêtèrent devant une porte où brillait la carte de visite de « Otto Katz, Feldkurat » et à travers laquelle venait un brouhaha