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pas de réminiscences semblables. Venus pour la première fois dans ce local, ils trouvaient tout charmant, car tout pour eux était nouveau. Le pot à tabac manifesta le premier son contentement, car l’optimisme des êtres comme lui va toujours de pair avec une soif de jouissances. La perche luttait avec elle-même. Elle finit par perdre ses scrupules comme naguère son scepticisme.

— Je vais danser, dit-elle en vidant sa cinquième chope de bière.

Le pot à tabac prenait de plus en plus goût aux plaisirs des sens. Assise à côté de lui, une fille lui tenait un langage obscène qui allumait de luxure ses yeux lubriques.

Chvéïk se bornait à boire. Après quelques danses, la perche amena sa danseuse à la table. On chantait, buvait, dansait, et les plus hardis pelotaient abondamment leurs compagnes. Dans cette atmosphère d’amour à bon marché, de nicotine et d’alcool, tout le monde mettait en pratique le mot célèbre : « Après nous le déluge ! »

L’après-midi, un soldat vint s’asseoir à leur table et leur proposa de leur faire avoir, pour dix couronnes, un furoncle ou un phlegmon. Il leur montra une seringue et leur expliqua qu’en se faisant une injection de pétrole dans le bras ou dans la jambe ils seraient sûrs de garder le lit pendant deux mois, et, s’ils avaient soin d’humecter la plaie avec de la salive, pendant six mois au moins, après quoi on les rendrait certainement à la vie civile.

La perche, qui avait déjà perdu son équilibre mental, accepta l’offre du soldat qui lui pratiqua une injection à la jambe.