Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/149

Cette page n’a pas encore été corrigée

entonna : « Ah ! l’heure des suprêmes adieux, qu’il est triste mon cœur amoureux… »

— Hé, François ! criaient au soldat blessé les occupants de la table hostile après avoir fait taire l’« orchestre » et son Enfant devenu orphelin… laisse ces abrutis et viens t’asseoir ici… Qu’est-ce que t’attends pour les envoyer paître ?… Passe-nous les cigarettes, au moins… T’es donc ici pour les amuser, ces gourdes, non ?

Chvéïk et ses gardiens contemplaient le spectacle avec intérêt.

Chvéïk évoquait les jours où il venait ici en temps de paix. Il se rappelait les « descentes » opérées dans ce local par le commissaire de police Draschner, il revoyait les filles qui redoutaient le célèbre policier, tout en ayant l’air de se moquer de lui. Il pensait surtout à un soir où les filles avaient chanté en chœur :


Un jour que Draschner s’amenait,
Il est arrivé un bien bon malheur :
La Marie s’est soûlée et prétendait
Que Draschner ne lui faisait pas peur.


Chvéïk croyait encore voir s’ouvrir la porte pour livrer passage au commissaire Draschner avec son armée de policiers. Ils avaient rassemblé tous les clients en un groupe. Chvéïk fut arrêté lui aussi, parce qu’il avait eu l’audace de poser cette question au commissaire Draschner au moment où celui-ci lui demandait sa carte d’identité : « Est-ce que vous avez la permission de la Police ? » Chvéïk songeait aussi à un poète qui était assis près de la glace et y composait des poèmes qu’il lisait ensuite aux filles.

En revanche, les gardiens de Chvéïk, eux, ne caressaient