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qui habitaient Hradec Kralové, de leurs femmes et de leurs enfants, de leurs petits champs et de la vache qui était leur seule propriété à chacun.

— J’ai soif, émit Chvéïk tout à coup.

La perche et le pot à tabac échangèrent un regard.

— Pour ce qui est de la soif, on boirait bien un coup aussi, nous autres, prononça le pot à tabac, ayant compris que la perche était de son avis, mais où est-ce qu’on irait pour ne pas trop se faire remarquer ?

— Allons au Kouklik, proposa Chvéïk ; vous poserez vos flingots à la cuisine, le patron Serabona, c’est un Sokol ; avec lui on est tranquille, vous n’aurez rien à craindre.

— C’est une boîte où on fait de la musique, reprit Chvéïk ; il y vient des petites femmes et des gens très bien, à qui on interdit l’entrée de la Maison Municipale.

La perche et le pot à tabac se regardèrent de nouveau. Puis la perche déclara :

— Allons-y. Karlin est encore loin.

Chemin faisant, Chvéïk leur raconta de petites histoires, et ils arrivèrent enfin au Kouklik. Laissant leurs fusils à l’endroit désigné par Chvéïk, ils pénétrèrent dans la salle où les accueillit la chanson alors en vogue : « À Pankrac, là-haut, sur la colline, il y a une gentille allée… »

Une demoiselle, assise sur les genoux d’un gigolo aux cheveux pommadés, chantait d’une voix enrouée : « ma seule amie que j’aimais tant a pris un autre amant… »

À une table, la tête entre les mains, dormait un marchand ambulant de sardines à l’huile. Par