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plus à la prison. J’ai ses documents dans mon paquet.

— Et qu’est-ce qui est écrit sur son compte, dans tes documents ? questionna la perche.

— Je n’en sais rien.

— Ben, si tu n’en sais rien, n’en parle pas.

Ils s’engageaient sur le Pont Charles et se turent. C’est seulement dans la rue Charles que le pot à tabac reprit le fil de la conversation.

— Tu ne sais pas pourquoi on t’amène chez le feldkurat ?

— Pour me confesser, répondit négligemment Chvéïk ; je dois être pendu demain. Avec les condamnés à mort on fait toujours des trucs comme ça : ça s’appelle la consolation suprême.

— Et pourquoi que tu dois être ?… demanda prudemment la perche, tandis que le pot à tabac regardait Chvéïk avec compassion.

— Je n’en sais rien, dit ce dernier, son sourire ingénu aux lèvres ; tu peux m’en croire. Probable que c’est mon sort.

— Tu es né sous une mauvaise étoile, ça peut arriver des choses comme ça, fit remarquer le pot à tabac ; chez nous, à Jasen, près de Josephof, au temps de la guerre avec la Prusse, les Prussiens ont pendu un type de la même façon. Un beau matin, ils sont venus le prendre et l’ont pendu sans lui donner la moindre explication.

— Je crois, dit la perche toujours sceptique, qu’on ne pend pas un homme pour rien du tout ; il faut toujours une raison pour motiver la… chose.

— Dans le temps de paix, oui, ça se passe comme ça, répartit Chvéïk, mais, quand il y a la guerre, un