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de la place : on lui avait donné un antique accoutrement militaire, défroque d’un vétéran pansu qui devait avoir une tête de plus que Chvéïk.

Quant au pantalon, il était si volumineux qu’il aurait pu contenir encore trois Chvéïk ; il lui pendait autour des jambes comme celui d’un clown. Ses plis énormes qui remontaient jusqu’à la poitrine frappaient les passants de stupeur. Une veste non moins énorme, rapiécée aux coudes, sale et graisseuse, flottait autour du torse de Chvéïk qu’elle rendait semblable à un épouvantail à moineaux. On l’avait muni d’un képi qui lui descendait au-dessous des oreilles.

Chvéïk répondait aux sourires des passants par un doux sourire, par un regard chaud et tendre de ses yeux de grand enfant.

Les trois hommes marchaient vers la demeure du feldkurat, sans dire un seul mot.

Ce fut le pot à tabac qui adressa le premier la parole à Chvéïk. Ils se trouvaient justement sous les arcades de Mala Strana.

— De quel patelin que tu es ? demanda-t-il.

— De Prague.

— Et est-ce que tu ne vas pas essayer de foutre le camp ?

À ce moment la perche crut nécessaire d’intervenir. C’est un fait très curieux : tandis que les pots à tabac sont habituellement crédules, les perches, en revanche, sont enclines au scepticisme.

La perche fit donc remarquer au pot à tabac :

— S’il pouvait, il le ferait.

— Et pourquoi qu’il foutrait le camp, répliqua ce dernier, puisqu’il est en liberté ? Il ne retournera