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la même chose. Mais le soir, il a déjà trouvé bon goût à la pourriture de choux et de pommes de terre. Seulement, il ne faisait plus sa prière comme au bon temps, quand il avait encore son jambon et ses œufs. Nous autres, on n’existait plus pour lui. Une seule fois il a ouvert la gueule pour nous parler, c’est quand un type s’était procuré, on ne sait pas comment, des cigarettes. Il voulait qu’on lui laisse tirer une bouffée. Vous pensez, s’il a eu la peau.

— Je craignais déjà que vous lui ayez laissé tirer c’te bouffée, dit Chvéïk, ça aurait gâté toute ton histoire. Ça n’arrive que dans les romans, mais, à la prison de la place, il n’est pas permis d’être si idiot que ça, dans des conditions pareilles.

— Et le passage à tabac, vous ne l’avez pas oublié, fit une voix.

— On n’y a pas pensé, bon Dieu !

Cette petite omission de la part des copains du 12 donna lieu à une discussion à voix basse. La plupart étaient d’avis que le type qui avait bouffé tout seul méritait largement le passage à tabac.

Petit à petit, les bavardages languissaient. Les détenus s’endormaient en se grattant sous le bras, sur la poitrine et sur le ventre, aux endroits préférés par les poux. Ils tiraient sur leurs visages les couvertures vermineuses pour ne pas être gênés par la lumière de la lampe à pétrole…

À huit heures du matin on convoqua Chvéïk au bureau.

— Devant la porte du bureau, à gauche, il y a un crachoir où on jette des mégots, dit l’un des co-prisonniers à Chvéïk. Au premier, il y en a encore un autre. Comme on ne balaie les corridors qu’