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et qu’on ne lui avait laissé que du papier hygiénique. Puis, pendant cinq minutes, il a cru qu’on lui avait fait une blague. Il disait : « Je sais bien, farceurs, que vous me rendrez mes affaires, mais n’empêche, vous avez réussi à me faire peur. » Il y avait avec nous un lascar de Liben, qui dit : « Je vais vous dire, M’sieur le baron, couvrez-vous la figure avec votre couverture et comptez jusqu’à dix, vous verrez voir ce qui va arriver avec vos sacs ». Notre fermier lui a obéi comme un petit enfant et il s’est mis à compter : « Un, deux, trois… » – « Faut pas aller si vite », que lui dit le Libenois. Alors, le type compte plus doucement. Enfin, il sort de son lit et court à ses sacs. Il ne trouve rien, bien entendu, et fallait voir la gueule qu’il faisait. Nous autres, on se tordait. « Allez-y encore un second coup », que lui dit le Libenois. Le type – et c’était encore plus crevant – ne s’est pas fait prier encore cette fois-là. Ce n’est que quand il a vu qu’il n’y avait rien à faire, qu’il s’est mis à cogner contre la porte et à crier au secours. Quand le gardien en chef et Riha sont arrivés, nous autres, on a prétendu qu’il avait tout bouffé la veille, même que nous l’avions encore entendu boulotter tard dans la nuit. Il pleurait et disait qu’alors il serait resté au moins des miettes de pain. Vous parlez, si on en a trouvé, des miettes ! On n’était pas assez marteau pour en laisser, nous autres, n’est-ce pas. Toutes ses provisions y avaient passé, et ce qu’on n’avait pas pu avaler, on s’était arrangé pour le monter au deuxième par la ficelle. Pendant toute la journée, il est resté sans manger et il faisait attention s’il ne nous attraperait pas à mâcher de ses provisions ou à fumer ses cigarettes. Le lendemain,