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vous verrez comme vous vous y mettrez. Si dans tout ce qui vous passe alors par la tête il n’y a que la moitié de vrai, il y en aura toujours assez pour qu’on vous traîne dans la boue pendant le reste de vos jours. Mais le vieux monsieur ne le mérite pas. Voyez. En pleine force, il a perdu son fils Rodolphe, un garçon qui promettait. Élisabeth, son épouse, on la lui perce avec un tiers-point. Puis, c’est le tour à Jean Orth de disparaître on ne sait pas où. N’oubliez pas non plus Maximilien, le frère à l’Empereur, qui a fini derrière un mur au Mexique. Et, maintenant qu’il n’en a plus pour longtemps, voilà encore son oncle qu’on lui troue de balles. Mais il faudrait qu’il ait des nerfs d’acier, le pauvre homme ! Et il y a encore des gens qui n’ont pas honte de l’engueuler quand ils sont soûls. C’est moi qui vous le dis : si jamais il y a quelque chose, je m’engage comme volontaire et je ferai mon devoir quand je devrais y laisser ma peau.

Chvéïk vida consciencieusement son verre et continua :

— Vous vous imaginez que l’Empereur se fiche de tout ça comme de sa première chemise ? C’est que vous ne le connaissez pas ! C’est moi qui vous le dis : il y aura une guerre avec les Turcs. Vous avez assassiné mon oncle ? Bien, je vais vous casser la gueule. La guerre est certaine. Et dans c’te guerre, la Serbie et la Russie vont nous aider. Ça va barder.

Au moment où il proférait ses prophéties, Chvéïk était réellement beau. Sa face naïve, souriante comme la lune en son plein, brillait d’enthousiasme. Tout lui paraissait lumineux.