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et à la puanteur du seau aux besoins de la communauté, d’où se soulevait, à chaque emploi répété, un nouveau remugle pestilentiel.

La mauvaise alimentation rendait les digestions laborieuses et la plupart des prisonniers étaient affligés de « vents » dont ils viciaient l’atmosphère et que, pour se distraire, ils avaient eu l’idée de combiner en un jeu de signaux qui se faisaient écho.

Dans les couloirs résonnait le pas rythmique des surveillants, et, par intervalle, le guichet s’ouvrait pour laisser paraître la tête d’un soldat de garde.

Cette nuit-là quelqu’un racontait, mussé dans son lit :

— Avant d’essayer de foutre le camp de la prison et d’être passé ici, au 16, j’étais au 12. Là, c’est des cas moins graves. Une fois, on y a foutu un homme qui avait l’air d’un type de la campagne. Il devait tirer quinze jours pour avoir logé chez lui des soldats dégoûtés de coucher à la caserne. On avait cru qu’il s’agissait de désertion, mais il a fini par avouer qu’il avait logé des soldats seulement pour de l’argent et sans penser à mal. Il devait être enfermé avec les prisonniers légèrement punis, mais, comme la chambrée était pleine, on l’a placé chez nous, au 12. Donc, ce type dont je vous parle, il aurait fallu le voir quand il s’est amené : il était chargé comme un chameau dans le désert. Paraît qu’il avait la permission de s’acheter la nourriture sur son pognon. On le laissait même fumer ! Dans ses deux havresacs il avait deux gros jambons, des pains énormes, des œufs, du beurre, des cigarettes, du tabac, enfin tout ce qu’il faut pour se les caler, quoi.