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Et toute l’amertume qui, durant cette journée, avait été amassée dans son âme par la conduite du capitaine aussi bien que par celle de Chvéïk, déborda comme un torrent impétueux et se répandit sur la tête du gardien en chef qui dut encore se laisser dire en sortant :

— Comprenez-vous, maintenant, pourquoi vous êtes un veau couronné ?

Malgré cette couronne, le gardien en chef n’était pas content du tout. En quittant le bureau du juge il frappa du pied le prisonnier de corvée qui balayait les corridors.

Quant à Chvéïk, le gardien en chef décida qu’il passerait encore une nuit à la prison de la place de Prague pour pouvoir s’en souvenir plus tard.

Une nuit passée à la prison de la place de Prague se grave dans la mémoire en traits ineffaçables.

À côté du 16 était située l’affreuse cellule, sombre trou, d’où, comme presque toujours, cette dernière nuit que Chvéïk passa dans l’établissement Riha-Slavik-Linhart, s’échappait le hurlement déchirant d’un soldat à qui Riha, par ordre de Slavik, rompait les côtes à coups de bottes.

Quand le silence s’y fit, ce fut le tour du seize, à cette différence près que, dans cette chambrée, ne résonnait que le bruit sec des poux que les prisonniers tuaient entre leurs ongles, avec des plaisanteries chuchotées sourdement.

Au-dessus de la porte, dans un œil-de-bœuf muni d’une grille, était encastrée une lampe à pétrole dont la flamme trouble fumait. L’odeur du pétrole se mêlait à l’exhalaison des corps non lavés