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l’a enfermé comme si on avait arrêté un adulte et pas un enfant de deux ans. Comme vous voyez, c‘t’enfant était tout à fait innocent et on l’a enfermé tout de même. S’il avait pu parler et si on lui avait demandé pourquoi il était arrêté, il n’aurait pas pu le dire. C’est mon cas tout craché. Je suis donc une espèce d’enfant trouvé.

Le regard perçant du juge militaire erra de bas en haut sur la personne de Chvéïk et se brisa sur son visage. L’homme qui se tenait devant lui rayonnait d’une telle innocence et d’une si tranquille indifférence que Bernis hésita et, très énervé, se mit à marcher de long en large dans le bureau. Dieu sait ce que Chvéïk serait devenu si Bernis n’avait promis au feldkurat de le lui envoyer sans faute.

Enfin, il fit halte devant la table.

— Écoutez, dit-il à Chvéïk qui regardait avec indifférence autour de lui, si jamais je vous rencontre encore une fois, je vous ferai voir de quel bois je me chauffe ! – Emmenez-le.

Chvéïk ayant réintégré le seize, Bernis fit appeler le gardien en chef Slavik.

— Jusqu’à nouvel ordre, fit-il d’un ton rogue, on va mettre Chvéïk à la disposition de M. le feldkurat Katz. Faites apprêter ses papiers de mise en liberté et qu’on le conduise, sous l’escorte de deux hommes, chez monsieur le feldkurat !

— Faut-il lui mettre les menottes en route, monsieur l’oberleutenant ?

Le juge frappa du poing sur la table :

— Vous n’êtes qu’un veau, tenez. Je vous ai bien dit de faire dresser le document de sa mise en liberté, dit-il.