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— Pas fameusement, répondit le juge d’instruction Bernis ; on m’a encore mêlé mes paperasses que le diable ne peut s’y reconnaître. Hier encore, j’ai passé au procureur un acte d’accusation qui m’avait fait rudement suer, et on me l’a retourné en disant qu’il ne s’agissait nullement de rébellion, mais tout simplement du vol d’une boîte de conserves. Il paraît que j’y avais marqué aussi un faux numéro d’ordre ; je ne sais pas comment ils arrivent à dénicher tout ça.

Le juge cracha.

— Est-ce que tu joues encore aux cartes ? demanda le feldkurat.

— C’est fini, mon vieux, je ne faisais que perdre. La dernière fois qu’on avait joué au macao avec le vieux colonel chauve, c’est celui-là qui a tout encaissé. Mais j’ai pour le moment une petite. Et toi, saint-père, qu’est-ce que tu fais ?

— Je cherche un tampon, répondit le feldkurat : j’en avais un, un vieux comptable sans instruction supérieure, mais tout de même un avachi de première classe. Il pleurnichait tout le temps et priait le bon Dieu de le protéger, je l’ai envoyé au front avec le bataillon qui y partait justement. On dit que le bataillon s’est fait esquinter. Ensuite, on m’a donné comme tampon un type qui était toujours fourré chez le bistro, où il levait le coude à mon compte. Il était encore supportable, celui-là, mais il suait des pieds. Je l’ai envoyé au front, lui aussi. Aujourd’hui, au sermon, j’ai découvert un loustic qui s’est mis à pleurer par rigolade. C’est un type comme ça qu’il me faut. Il s’appelle Chvéïk et perche au seize. Je voudrais savoir comment il est arrivé ici