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il y en a déjà un sur la terre, et que, même si vous devez échapper à celui d’en bas, vous n’y couperez pas à l’autre. Abtreten !

Après s’être si bien acquitté de l’œuvre pie de la consolation des prisonniers, le feldkurat se dirigea vers la sacristie, ordonna au rouquin de verser du vin, dans la burette, le but, se rhabilla et enfourcha son cheval qui l’attendait dans la cour. Mais tout d’un coup il pensa à Chvéïk, remit pied à terre et alla trouver l’auditeur Bernis.

Le juge d’instruction Bernis était très mondain ; charmant danseur et au demeurant fêtard passionné, il s’ennuyait énormément au bureau et passait son temps à composer des vers d’albums, pour en avoir toujours d’avance. C’était lui le pivot de tout l’appareil de cette justice militaire : sur son bureau s’amoncelaient des documents d’affaires en suspens et des paperasses dans un état de confusion inextricable. Sa manière de travailler inspirait le respect à tous les membres du Tribunal militaire du Hradcany. Il avait l’habitude de perdre les actes d’accusation et au besoin les inventait de toutes pièces. Il embrouillait les noms et les causes des accusés et n’agissait jamais que par lubies. Il faisait condamner les déserteurs pour vol et les voleurs pour désertion. Il fabriquait aussi avec rien des procès politiques. Il était capable des tours de passe-passe les plus compliqués et s’amusait à accuser les détenus de crimes auxquels ils n’avaient jamais pensé. Il inventait des outrages de lèse-majesté et, quand il égarait le dossier, s’empressait de suppléer les paroles subversives.

Servus, dit le feldkurat en lui tendant la main, comment ça va ?