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les diverses parties de la messe et s’embrouillait dans le texte jusqu’à chanter les prières de l’Avent, au grand contentement de ses fidèles.

Il manquait totalement d’oreille, et la voûte de la chapelle résonnait d’un tel piaulement qu’on se serait cru dans une étable à porcelets.

Devant l’autel, les prisonniers ne retenaient pas de petits cris de joie et de satisfaction :

— Il est encore rétamé ce coup-ci ; tu parles s’il est mûr ! Ah, quelle cuite ! je parie qu’il s’est encore soûlé chez les gonzesses…

Pour la troisième fois déjà la voix du feldkurat fit entendre son Ite missa est qui résonna dans la chapelle comme le cri de guerre d’une tribu indienne, si aigu et si rauque que les vitraux en tremblèrent.

L’officiant plongea encore une fois ses regards au fond du calice, pour voir s’il ne contenait plus une goutte de vin, esquissa un geste de dépit et se tourna vers les fidèles :

— Voilà, gredins, vous pouvez disposer ; la messe est finie. Je n’ai remarqué en vous aucune trace de la piété que vous devriez avoir, vagabonds, et vous êtes dans l’église devant la face du Saint-Sacrement. Face à face avec Dieu tout puissant, vous n’avez pas honte de rire à haute voix, de tousser et de faire du chahut, de traîner les pieds, et c’est devant moi que vous osez faire toutes ces saletés, espèces de fourneaux, devant moi qui tiens ici la place de la Sainte Vierge, de Notre Seigneur Jésus-Christ et de notre Père à tous. Si vous continuez à vous conduire comme ça, vous verrez ce que vous allez prendre pour votre rhume. Vous verrez alors qu’il n’y a pas qu’un seul enfer, celui dont je vous ai parlé la dernière fois, mais qu’