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Pour le moment, je vous ai assez vu. Comme je voudrais être déjà débarrassé de cette malheureuse messe ! Kehrt euch ! Abtreten ![1]

Rentré au sein du groupe fraternel des vingt caleçons, Chvéïk, comme ils lui demandaient ce que le feldkurat lui avait dit, répondit en trois mots très secs :

— Il est soûl.

La messe, nouveau tour de force du feldkurat, fut suivie avec une grande attention par les prisonniers qui ne cachaient pas leur goût pour l’officiant. L’un d’eux paria même sa portion de pain contre deux gifles que le feldkurat allait faire tomber le Saint-Sacrement par terre. Il gagna son pari.

Il n’y avait pas de place dans ces âmes pour le mysticisme des croyants ou la piété des catholiques convaincus. Ils éprouvaient un sentiment analogue à celui qu’on éprouve au théâtre quand on ne connaît pas le contenu de la pièce et qu’on suit avec patience les péripéties de l’action. Les prisonniers se plongèrent avec délices dans le spectacle que leur offraient les évolutions du feldkurat.

Ils n’avaient d’yeux que pour la beauté de la chasuble qu’avait endossée à rebours le feldkurat et, pleins d’attention, suivaient avec ferveur tout ce qui se passait à l’autel.

L’« enfant de chœur », un rouquin, ancien sacristain et pickpocket expérimenté du vingt-huitième régiment, faisait des efforts pour se remémorer le plus exactement possible les phases du sacrifice de la messe. Il joignait à ses fonctions d’« enfant de chœur » celles de souffleur du feldkurat, qui confondait avec une insouciance absolue

  1. Demi-tour ! Rompez !