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plaisir et vous prouver qu’il y avait encore des gens bien au monde, et pour moi aussi, j’ai voulu me soulager un peu en rigolant.

Le feldkurat considéra la face débonnaire de Chvéïk. Les rayons du soleil jouaient sur le tableau sombre de François de Sales et doraient de leur clarté le martyr ahuri qui lui faisait pendant.

— Vous commencez à m’intéresser, fit le feldkurat, se rasseyant sur la table. De quel régiment faites-vous partie ? – Et il hoqueta.

— Je vous déclare avec obéissance, monsieur l’aumônier, que j’appartiens au quatre-vingt-onzième de la ligne sans y appartenir.

— Et comment êtes-vous arrivé à la prison de la place ? interrogea le feldkurat entre deux hoquets.

Dans la chapelle, des sons d’harmonium se firent entendre, remplaçant les orgues absentes. Le musicien, un instituteur emprisonné pour désertion, en tirait de lugubres airs d’église. Alternant avec les hoquets réguliers du feldkurat, ces harmonies constituaient une gamme dorique absolument nouvelle.

— Je vous déclare avec obéissance, monsieur l’aumônier, que je ne sais pas du tout comment je suis arrivé ici. Mais je ne me plains pas d’y être. Seulement, j’ai la guigne. Je n’ai jamais que de bonnes intentions et, à la fin du compte, tout tourne mal, je suis un vrai martyr comme celui de ce tableau.

Le regard du feldkurat se leva sur celui-ci. Il sourit et dit :

— Vous me ravissez de plus en plus ; il faut que je m’informe de vous auprès du juge-auditeur.