Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/121

Cette page n’a pas encore été corrigée

se lassaient pas de contempler les vingt caleçons groupés sous la chaire, où le feldkurat paraissait enfin, précédé d’un cliquetis d’éperons.

— Garde à vous, cria-t-il, à la prière ! que tout le monde répète ce que je vais dire ! Et toi, au fond, espèce de canaille, ne te mouche pas dans tes doigts, tu es dans la maison de Dieu, et je te ferai foutre à la boîte. Nous allons voir, tas de vagabonds, si vous savez encore votre « Pater », allons-y… Je me doute bien que vous n’en savez plus le premier mot, bien sûr, vous ne pensez guère à prier. Vous aimez mieux vous empiffrer de bœuf aux haricots, rester à plat ventre sur votre paillasse, vous fourrager dans le nez et ne pas vous en faire pour le bon Dieu, c’est bien ça !

Du haut de la chaire, le prédicateur regardait les vingt chérubins en caleçon, qui se faisaient du bon sang comme tous les autres fidèles. Ceux du fond jouaient avec leurs couteaux de poche au « jeu du boucher ».

— Il y a du bon ici, chuchota Chvéïk à son voisin, personnage soupçonné d’avoir coupé, moyennant la somme de trois couronnes, à un camarade tous les doigts d’une main pour le faire exempter du service militaire.

— Ce n’est pas tout, répondit l’autre, attends voir. Il a pris encore une cuite aujourd’hui, et c’est toujours quand il est dans les vignes qu’il nous sort le chemin épineux du péché.

En effet, le feldkurat était d’une humeur charmante. Dans son éloquence, il se penchait si dangereusement en dehors de la chaire qu’à un moment donné peu s’en fallut qu’il ne perdît l’équilibre.