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proférées par ses créanciers. Il recevait non moins souvent les visites des péripatéticiennes qu’il ramenait lui-même ou envoyait chercher par son ordonnance. Il aimait aussi à jouer au poker, et des mauvaises langues voulaient qu’il trichât au jeu ; mais personne n’essaya jamais de tirer des larges manches de sa soutane militaire la fausse carte. Dans les milieux d’officiers on l’appelait le « Saint-Père ».

Il ne préparait jamais ses sermons, ce qui le distinguait de son prédécesseur à la prison de la place. Celui-ci avait l’idée fixe d’améliorer les détenus. Dans des accès d’exaltation religieuse, les yeux lui sortaient de la tête et il s’épuisait à persuader aux prisonniers que la réforme de la prostitution était aussi urgente que celle de l’assistance aux filles-mères ; un autre de ses dadas concernait l’éducation des enfants naturels. Ses sermons planaient dans l’abstraction et ne descendaient jamais à l’actualité. En un mot, c’était l’ennui fait aumônier.

En revanche, l’aumônier Otto Katz avait une façon de prêcher qui réjouissait chacun.

C’était un moment solennel quand la chambrée du 16 partait pour la chapelle, toujours en caleçon, car, en leur octroyant un costume moins sommaire, les autorités auraient craint de perdre quelqu’un de ces précieux pensionnaires. Rangés au pied de la chaire dans leurs caleçons blancs, on eût dit des anges devant le trône de Dieu. Certains d’entre eux, qui avaient eu de la chance de ramasser des mégots en route, avaient été obligés de les chiquer, manquant, bien entendu, de poches où les mettre.

Les autres prisonniers, placés autour d’eux, ne