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désir de se rapprocher de Dieu, de s’élever et de mieux connaître la morale divine.

Le sermon et la messe n’étaient pour eux qu’un moyen de se soustraire à l’ennui de la prison. Ce qui les attirait, c’était, non pas la ferveur des sentiments religieux, mais bien l’espoir de trouver, sur le chemin de la chapelle, des « mégots » semés dans les corridors. Le bon Dieu avait moins de charme qu’un bout de cigarette ou de cigare traînant dans la poussière.

Mais la principale attraction était le sermon. Quelle pure joie il provoquait ! Le feldkurat[1] Otto Katz était le plus charmant ecclésiastique du monde. Ses sermons se distinguaient par une éloquence à la fois persuasive et propre à susciter chez les détenus une hilarité interminable. Il était vraiment beau à entendre quand il s’étendait sur la miséricorde infinie de Dieu, quand il s’évertuait à relever le niveau moral des prisonniers, « victimes de toutes les corruptions », et quand il les réconfortait dans leur abjection. Il était vraiment beau à entendre, du haut de la chaire ou de l’autel, faisant pleuvoir sur ses fidèles des injures de toute sorte et des vitupérations variées. Enfin, il n’était pas moins beau à entendre quand il chantait Ite missa est, et après avoir dit sa messe d’une façon tout à fait curieuse et originale, en brouillant et bousculant les parties de la messe ; quand il avait trop bu, il inventait même des prières et une messe inédites, tout un rituel à lui.

Et puis, quelle gaîté quand, par hasard, il trébuchait et s’étalait par terre avec son calice ou bien avec le saint sacrement ou le missel, tout en invectivant contre l’« enfant de chœur » trié sur

  1. Aumônier.