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tiens-toi droit, qu’est-ce que t’as dans tes poches ? Si tu as des cigarettes, tu peux les garder, mais pour du pognon, faudra voir à me lâcher tout, on pourrait te le voler. C’est tout ce que t’as, bien vrai ? Les menteries, c’est rudement puni ici, tu sais !

— Où est-ce qu’on va le foutre ? demanda le sergent Riha.

— Au 16, décida son chef, où on a mis les saligauds en caleçon, vous voyez bien que le capitaine Linhart a marqué sur le document : Streng behuten, beobachten[1]… Oui, dit-il encore en s’adressant à Chvéïk, avec des crapules comme toi, on agit en crapule. Ici, les types qui rouspètent, on les fourre à la cellule ou on leur casse les côtes ; ils n’en sortent qu’après qu’ils sont crevés. C’est notre droit. N’est-ce pas ? Riha, je pense justement à c’te tête carrée du boucher, le dernier.

— Celui-là était dur, monsieur le gardien en chef, répondit Riha rêveur, quel costaud ! Quand je lui ai piétiné dessus, il m’a fallu sauter sur lui pendant cinq minutes pour que ses côtes commencent à craquer et que le rouge lui vienne à la gueule. Et ce chien a encore tenu pendant dix jours. Il avait l’âme chevillée au corps, c’est le cas de dire.

— Tu vois, saleté, ce qui t’attend si jamais tu oses rouspéter ou essayer de foutre le camp, reprit le sergent Slavik. Une tentative d’évasion, c’est une espèce de suicide et, chez nous, le suicide est puni tout pareil. Que Dieu ne te laisse pas venir en tête, espèce de fumier, de réclamer et de te plaindre aux inspecteurs ! S’ils viennent et s’ils te demandent : « Vous n’avez pas de réclamation à faire ? » il s’agit de te tenir droit, fripouille, de saluer

  1. À garder sévèrement, en observation.