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familles, dont les membres subissaient à leur tour le sort de leurs correspondants. La prison de la place de Prague voyait aussi passer de vieux campagnards qui s’étaient permis, en écrivant à leurs fils, de leur dire leurs misères et de plaindre celles des soldats ; le conseil de guerre les condamnait tous invariablement à des peines de douze ans de forteresse.

Un chemin qui était un triste calvaire conduisait des cachots de la place de Prague au champ de manœuvres de Motol. Sur cette chaussée on rencontrait souvent les convois suivants : un homme, chargé de menottes et escorté par des soldats baïonnette au canon, marchait suivi d’un fourgon contenant un cercueil. Au champ de manœuvres de Motol, le commandement laconique de An ! Feuer ![1] mettait fin au défilé. Ensuite, sous forme d’un ordre du jour du colonel, on faisait connaître l’exécution à tous les bataillons et tous les régiments ; les soldats apprenaient qu’un civil de plus avait été exécuté pour s’être mutiné au moment où il entrait, avec les autres conscrits, à la caserne, et que sa femme, qui n’avait pas pu dire adieu à son mari avait été frappée d’un coup de sabre par le capitaine de service.

À la prison de la place de Prague gouvernait un triumvirat composé du gardien-chef Slavik, du capitaine Linhart et du sergent Riha, ce dernier portant aussi le surnom de « bourreau ». Tous les trois étaient là bien à leur place. Combien de victimes ont péri dans ces cellules, succombant à leurs blessures sans qu’on en ait jamais rien su ! Peut-être que le capitaine Linhart poursuit sa carrière d’officier sous la République comme sous l’

  1. En joue, feu !