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la place. Il y avait trouvé des embusqués de toute sorte : des idéalistes et des individus qui l’étaient moins. On y voyait des individus pour qui le service militaire n’était qu’un poste lucratif, par exemple les sous-officiers de comptabilité, qui truquaient à qui mieux mieux sur la nourriture et la solde des hommes, tant au front qu’à l’arrière ; leur troupe était grossie par des petits voleurs, qui somme toute, valaient cent fois plus que ceux qui les avaient fait mettre en prison. La prison renfermait encore des soldats arrêtés pour des délits d’ordre purement militaire, tels le refus d’obéissance, la mutinerie, la désertion, etc. Un genre à part était les prisonniers politiques dont il y avait quatre-vingts pour cent d’innocents et, sur ces derniers, la proportion de condamnés s’élevait à quatre-vingt-dix-neuf pour cent.

La procédure appliquée par les auditeurs militaires était impressionnante. Un tel appareil judiciaire distingue toujours un État à la veille d’une débâcle politique, économique et morale. Il essaie de conserver son éclat et sa gloire au moyen de tribunaux, de la police, et en abusant des gendarmes et des dénonciateurs de la plus basse espèce.

Dans chaque corps militaire jusqu’au plus infime, l’Autriche avait ses espions, et ces créatures dénonçaient ceux avec qui elles partageaient la chambrée ou la tranchée et le pain.

Évidemment, la Police – en l’espèce MM. Klima, Slavicek et Cie – assuma avec une promptitude digne d’elle la charge de fournir « les matériaux » à la prison de la place de Prague. À côté d’elle, le service de la censure militaire livrait à cette prison les auteurs de lettres écrites du front à leurs