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d’optimisme et d’une touchante naïveté. Il parlait allemand.

Il s’étendit longtemps sur la nécessité pour chacun de ceux qui quittaient l’hôpital et allaient rejoindre leur régiment au front, de devenir un soldat victorieux, un preux chevalier. Lui-même était convaincu que tous allaient exceller dans l’art de la guerre, se comporter vaillamment au front et rester honnêtes dans toutes les affaires personnelles et militaires ; qu’ils seraient des combattants invincibles, dignes de la mémoire du maréchal Radetzky et du prince Eugène ; qu’ils seraient toujours prêts à abreuver de leur sang les vastes champs de bataille de la Monarchie et qu’ils sauraient achever la tâche à laquelle les vouait l’Histoire ; que, courageux jusqu’à la témérité, au péril de leur vie, ils iraient toujours de l’avant et, sous les glorieux drapeaux en loques de leurs régiments, ils n’hésiteraient pas à charger l’ennemi pour conquérir de nouveaux lauriers et de nouvelles victoires.

Dans le couloir, le médecin-major principal prit à part le jeune médecin, auteur du discours pathétique :

— Mon cher collègue, je vous assure que vous avez perdu votre temps. Ces saligauds-là, voyez-vous, ça ne donnera jamais des soldats. Un Radetzky n’en fera pas plus que votre prince Eugène. C’est une race peu ordinaire de malfaiteurs.