Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

Chvéïk suivit le sergent et, en traversant la cour, il fredonnait :

Je me disais toujours :
« Être sous les drapeaux
C’est l’affaire de quelques jours,
On n’y laisse pas sa peau ».

Et tandis que l’officier de service au bureau criait à Chvéïk qu’on devrait fusiller des saletés comme lui, dans les chambrées du premier étage la commission continuait à tuer les simulateurs à petit feu. Sur soixante-dix soldats, deux seulement purent s’en tirer. L’un avait la jambe coupée par un obus, l’autre un cancer aux os.

Eux seuls ne furent pas expédiés avec la formule sacramentelle « Tauglich ![1] » Tous les autres, sans exception des trois poitrinaires mourants, furent reconnus « bons pour le service armé », ce qui fournit au président de la commission le prétexte d’un discours.

Ce discours émaillé de jurons n’était pas fort substantiel. À en croire le président, ce n’étaient tous que des canailles et du fumier, et il n’existait pour eux qu’une seule alternative, aller au front et se battre pour S. M. l’Empereur, ce qui leur permettrait de reprendre leur place dans la société humaine et leur ferait pardonner, après la guerre, le crime de s’être dit malades pour échapper aux tranchées. « Mais, pour ma part, ajouta-t-il, je n’en crois rien, car je suis persuadé, au contraire que c’est la corde qui vous attend tous ! »

Un jeune médecin militaire, âme pure et non encore corrompue, demanda de pouvoir à son tour dire quelques mots. Son discours se distinguait de celui de son supérieur par une rhétorique empreinte

  1. Bon pour le service.