pas penser. Son supérieur pense pour lui. Quand un soldat se met à penser, ce n’est plus un soldat, mais une espèce de civil pouilleux. Le soldat qui pense… »
— Votre gueule ! interrompit avec fureur le président de la commission, vous êtes connu, allez. Der Kerl meint : man wird glauben, er sei ein wirklicher Idiot[1]. Mais non, Chvéïk, vous n’êtes pas un idiot, au contraire, vous êtes malin, roublard, crapule, vagabond, pouilleux, comprenez-vous ?
— Je vous déclare avec obéissance que je comprends.
— Nom de Dieu ! je vous ai dit de fermer ça ! M’avez-vous pas entendu ?
— Je vous déclare avec obéissance que j’ai entendu que je devais la fermer.
— Himmelherrgott[2], fermez-la alors, quand je vous ordonne de la fermer, cela veut dire que vous n’avez pas à gueuler !
— Je vous annonce avec obéissance que je sais que je n’ai pas à gueuler.
Les officiers supérieurs se regardèrent. Ensuite, ils appelèrent le sergent.
— Cet homme, lui dit le président de la commission, vous allez le conduire au bureau et vous y attendrez notre rapport. Ce type est d’une santé de fer, il fait le malin et, avec ça, il gueule encore et se paie la tête de ses supérieurs par-dessus le marché. Il s’imagine que nous sommes ici pour son plaisir, que le service militaire est une farce à se tordre. Attendez, mon vieux Chvéïk, la prison de la place de Prague vous apprendra que le service n’est pas une rigolade.