Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/107

Cette page n’a pas encore été corrigée

contracta en une grimace involontaire et que ses yeux clignèrent.

— Je vous déclare avec obéissance, monsieur le stabartzt, que ma langue ne peut pas sortir plus que ça.

Une discussion très intéressante s’ensuivit entre Chvéïk et la commission.

Chvéïk prétendait avoir fait cette dernière remarque de crainte que la commission ne crût qu’il dissimulait une partie de sa langue.

Les avis des membres de la commission étaient partagés. La moitié croyait juger Chvéïk ein blœder Kerl, l’autre croyait que c’était un « fripon qui voulait rigoler avec la guerre ».

— Il faudrait que le tonnerre de Dieu s’y mette pour qu’on ne puisse pas te pincer ! hurla le président de la commission.

Chvéïk considérait toute la commission avec le calme béat d’un petit enfant.

Le médecin-major principal vint tout près de Chvéïk et lui dit :

— Je voudrais bien savoir, cochon maritime, à quoi vous êtes en train de penser.

— Je vous déclare avec obéissance que je ne pense pas du tout.

Himmeldonnerwetter ![1] cria un autre membre de la commission, dont le sabre traînait avec bruit, regardez-moi ça, il ne pense pas ! Et pourquoi, espèce d’éléphant siamois, ne pensez-vous pas, dites un peu, pourquoi ?

— Je vous déclare avec obéissance que c’est parce qu’il est défendu aux soldats de penser. Quand je faisais mon service au quatre-vingt-onzième de ligne, il y a quelques années, notre capitaine nous disait toujours : « Le soldat ne doit

  1. Tonnerre de Dieu.