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était refermée derrière la visiteuse, ç’avait été pour lui un grand soulagement ; il s’était senti débarrassé d’un grand poids. Les petits tas d’os dépiautés le confirmèrent dans sa conviction que ses patients étaient une engeance incorrigible.

— Soldats, commença-t-il, si vous étiez un peu, mais un tout petit peu raisonnables, vous n’auriez touché à rien et vous vous seriez dit qu’autrement l’oberartzt ne croirait jamais à vos blagues. Par votre conduite vous avez prouvé une fois de plus que vous n’appréciez pas ma bonté. Aussi vais-je vous faire laver l’estomac et vous passer le clystère. Comment ! je me donne toute la peine du monde pour vous tenir à la diète totale dans l’intérêt de votre santé, et vous vous bourrez l’estomac, ce qui démolit tous mes soins ? Voulez-vous tous vous fiche un catarrhe gastrique ou un cancer de l’estomac ? Non, ce n’est pas dans vos intentions, n’est-ce pas ? Voilà pourquoi, avant même que votre estomac ait pu essayer de digérer ce que vous lui avez fait avaler, je m’en vais vous le laver à fond et en vitesse. Vous vous en souviendrez jusqu’à la mort et vous raconterez encore à vos enfants comment, une fois, vous vous êtes régalés de poulet rôti et d’autres fins morceaux, et comment vos gueules, sans se reposer du travail fait en vain, auront dû tout rendre, grâce à un lavage d’estomac venu au bon moment. Maintenant, pour vous mettre bien dans la tête que je ne suis pas un abruti comme vous, mais, tout de même, un peu plus malin que vous, vous allez de ce pas m’accompagner à la salle de consultation. Je vous annonce également que demain je convoquerai ici ces messieurs de la Commission de contrôle.