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avait l’idée fixe que c’était là l’une des attentions qui vont au cœur des héros blessés et malades.

La baronne se mit en devoir de retirer du panier les cadeaux qu’il contenait. Une douzaine de poulets rôtis, enveloppés dans du papier de soie rose et noués d’un ruban jaune et noir, deux bouteilles de liqueur comme on en fabriquait pendant la guerre, dont l’étiquette portait l’inscription Gott strafe England[1] surmontant le portrait de François-Joseph et de Guillaume II. Les deux empereurs se tenaient la main comme pour jouer à un jeu bien connu des enfants tchèques :

« Le petit lapin est tout seul dans son trou, mon petit chou, qu’est-ce qu’il y a qui ne va pas que tu ne peux pas bouger de là ? »

Elle tira encore du panier trois bouteilles de vin pour les convalescents et deux boîtes de cigarettes. Elle disposa avec grâce le tout sur un lit non occupé à côté de celui de Chvéïk, en y joignant un livre élégamment relié et intitulé Quelques traits de la vie de notre Souverain, œuvre du rédacteur en chef de la Gazette officielle de Prague, qui adorait pieusement le vénérable Habsbourg. La couverture se garnit successivement de paquets de chocolat, portant aussi la fameuse devise Gott strafe England[2]', ainsi que l’effigie des deux empereurs ; mais ils ne se tenaient plus par la main, ils se tournaient le dos, ce qui donnait l’impression qu’ils « s’étaient établis chacun à son propre compte ». Parmi les objets qui furent alors étalés, il y avait aussi une brosse à dents où on pouvait lire Viribus unitis ; ainsi le soldat qui se nettoierait les dents avec cette brosse, était sûr de penser à l’Autriche. Il y avait encore, comme cadeau destiné à faire le bonheur des

  1. Dieu punisse l’Angleterre.
  2. Dieu punisse l’Angleterre.