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du fromage découvert par lui derrière la zone d’opérations. Il se voyait déjà jeté en pâture aux shrapnels ou ornant les barbelés devant une tranchée.

Il était pâle, plus pâle encore que le docteur Grunstein. La petite carte de visite de la baronne, sur laquelle ce dernier avait lu « veuve du général d’infanterie… » ne cessait de danser devant les yeux du médecin qui flairait, lui aussi, un danger. Danger représenté par des relations influentes, des protections, des plaintes, un départ pour le front et autres catastrophes.

— Voici Chvéïk, madame la baronne, dit-il avec un calme factice, en arrêtant l’aristocratique visiteuse devant le lit du brave soldat. C’est un garçon qui a beaucoup de patience.

S’étant installée près du lit de Chvéïk sur une chaise qu’on lui approcha, la baronne von Botzenheim commença :

— La soldat téchèque toit êdre douchours une brafe soldat, la soldat téchèque peaugoup malate, mais douchours êdre une héros, moi peaugoup aimer la Audrichien téchèque !

Et en caressant les joues non rasées de Chvéïk, elle ajouta :

— Moi dout lire tans les chournaux, moi apporder à mancher, croguer, fumer, sucer, la soldat téchèque douchours une brafe soldat. Johann, kommen Sie her ![1]

Le laquais, dont les côtelettes hirsutes rappelaient Babinsky, approcha le panier volumineux, tandis que, assise sur le bord du lit de Chvéïk, la dame de compagnie de la baronne, une grosse personne aux yeux gonflés de larmes, retapait l’oreiller de paille sous le dos du « brafe soldat ». Elle

  1. Venez ici Jean !